mercredi 20 janvier 2016


Bonjour les aminches.
Dans mon dernier post, je regrettais que certaines certitudes soient ébranlées voire piétinées, atomisées, néantisées. Heureusement, heureusement, ma bâtisse intellectuelle repose tout de même sur quelques fondations solides : 
  • je ne verrais jamais Chuck Norris dans un drame Shakespearien
  • je suis incompatible avec les smartphones
  • Iain M Banks est un immense écrivain.

Je vous ai déjà clavioté tout le bien que je pensai de ce fabuleux créateur d'univers et sa société pan galactique : la Culture. Iain M Banks coupable de quelques chefs d'oeuvre.
 
J'aime énormément m'immerger dans le cycle de la Culture de cet auteur et je me réfrène pour ne pas boucler le cycle trop tôt. D'autant plus que la Camargue a eu le mauvais goût de faucher Iain et de laisser d'Omesson nous pondre ses mémoires cacochymes "Mon dieu que ma vie fut bien remplie, chouette, trop géniale et tellement belle gnagnagna...". Par la force des choses le cycle de la Culture se clôt bientôt. Plus qu'un dernier et ultime opus. 

Le pénultième pavé "Culturien" posé, que peut-on en penser ?


Les Enfers virtuels sont une invention de certaines sociétés puritaines de la Galaxie. Dans ces géhennes virtuelles souffrent sans fin les sauvegardes des pauvres âmes de ceux qui ont transgressé les règles de ces civilisations. 

Les tenants et les opposants de ces Enfers se livrent une guerre sans merci. Jusque là dans le Virtuel. Sans morts ni blessés physiques. Mais cette guerre menace de se déplacer dans le Réel. Les opposants aux Enfers sont prêts à faire monter les enchères. La Culture n’aime pas ça du tout. 


Quel rôle joue Veppers, l’homme le plus puissant et le plus corrompu de son système stellaire dans ce conflit ? Et quel pourrait être le destin de Ledjedje qu’il a tuée, mais qui a été ramenée à la vie par un vaisseau de la Culture ? La vendetta de Lededje pourrait avoir sa place dans les projets de Circonstances Spéciales.

Iain M Banks continue son réjouissant travail de sape du Space Opéra et fait accéder ce sous genre de la SF, un brin confidentiel, parfois grandiloquent voire chiant chiant à un niveau incandescent de poésie branque, à un sous texte critique de notre propre temporalité ; en somme à la Littérature. 

Iain dans ces ENFERS VIRTUELS  convoque toute la quintessence de la Culture. Cette Culture, rejeton ultime et définitivement abouti du Soft Power s'appuyant sur une force armée écrasante et une avance technologique conséquente. Quand un écrivain Britannique se penche sur sa propre histoire coloniale et reluque aussi de l'autre côté de l'Atlantique.

La Culture [dont les autochtones ont délégué les responsabilités à des Intelligences Artificielles logées dans des drones ou des vaisseaux spatiaux fendant le vide spatial] voit d'un mauvais œil ces ENFERS VIRTUELS qui heurtent (à juste titre) sa conscience de civilisation galactique de niveau 8. Mais elle se garde bien d'intervenir. Ses dernières manœuvres géostratégiques furent peu probantes, jolie litote pour qualifier une catastrophe eschatologique se chiffrant en milliards de morts. Oui, quand la Culture se plante, elle ne fait pas semblant.

Enfin. Comme d'habitude, elle se garde bien d'intervenir directement . Comme toujours la Culture va utiliser des petites mains, des quasi marginaux, des pions aux intérêts concomitants.

LES ENFERS VIRTUELS est très bon livre. L'un des meilleurs de de la série. 'Videmment, comme à chaque fois, Banks nous réclame un peu d'efforts mais nous sommes grandement récompensés par le talent de Iain, son imagination sans limite, son style précis donnant vie à un bestiaire démentiel et démoniaque, nous perdant et nous récupérant dans le dédale flamboyant de son intrigue à tiroirs. 

Bien sûr les aminches, tout opus du cycle de la Culture peut théoriquement se lire indépendamment. Théorie toute relative les filles. Si l'on n'est pas un bon connaisseur de l'oeuvre de Banks, je crains que l'on ne soit rebuté et totalement largué.

Je le répète, à mon sens, le meilleur chemin de lecture de la Culture est le suivant : 

Le Cycle de la Culture :
  • L’homme des jeux [The player of game, 1988]
  • L’usage des armes [Use of weapons, 1990]
  • Une forme de guerre [Consider Phlebas, 1987]
  • L’état des arts [The State of the Art, 1991]
  • Excession [Excession, 1996]
  • Inversions [Inversions, 1998]
  • Le Sens du vent [Look To Windward, 2001]
  • Trames [Matter, 2008]
  • Les Enfers virtuels [Surface Detail, 2010]
L’ordre donné ici ne correspond pas à l’ordre de parution des œuvres. En réalité, Une forme de guerre est le premier paru en version originale. En France, c’est l’ordre ici indiqué qui a prévalu car il rend la lecture plus aisée. 

Pour ceux qui sont accoutumés à l'univers Banksien de la Culture, sa densité déjantée et paradoxalement sa rigoureuse cohérence, LES ENFERS VIRTUELS c'est le kif garanti sur planche. Un livre drôle, profond. Où l'on voit que se dupliquer, se sauvegarder, se cloner sans cesse ne permet pas l'immortalité, ne console pas de sa fin prochaine. Notre conscience est intimement lié à l'instant présent que nous vivons, à l'endroit où nous nous trouvons, comme l'écrit si bien Banks : 

"Elle était en train de mourir. En principe, elle serait reventée. Elle avait été sauvegardée, entièrement copiée jusqu'à six heures plus tôt, parfaitement réplicable. Bon c'est vrai, un autre corps serait développé dans une cuve et se réveillerait avec ses souvenirs - sans la dernière partie bien sûr. Et alors ? Ce ne serait pas elle. Elle, elle était ici, en train de mourir. Cette compréhension, cette conscience de soi ne pouvait pas être transférée. Ce n'était pas un âme qui transmigrait, seulement un comportement. 
Tout ce qu'on avait été ne constituait qu'un petit morceau de l'univers, tourné sur lui même. Juste ça, ici, maintenant. Tout le reste n'était que fantasmes."

Pas aussi beau et poignant que que son précédent bouquin LE SENS DU VENT, LES ENFERS VIRTUELS confirment que Banks est un phénoménal écrivain, d'un calibre excédant largement les armes lourdes les plus hideuses.

Sans parler de Jean d'Ormesson. 

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