vendredi 19 juin 2015


Bon... Les filles je vais vous mettre à contribution. 

Je vais en appeler à votre imagination.

Imaginez...

Une après midi doux, le soleil est haut mais ne tape pas trop dur. Post repas de famille, dans une langueur digestive, votre cousin plus âgé, que vous admirez forcément, vous entraîne à l'écart et vous initie...

...

... A la nicotine transgressive.

Et voilà, depuis votre adolescence, vous enquillez 3 paquets de gitanes brunes sans filtres, quotidiennement. 

Ajoutez à cela des glaires coincées dans l'arrière gorge et une tessiture naturelle proche de la basse enrouée. 

Ok ?

Songez au petit texte qui va suivre, déclamé par cette voix...

"Ils ont pris ma femme.

Dans une ville de feu et de sang, je la retrouverai.

Je tracerai mon chemin à travers les membres, les viscères, les intestins, les têtes, les couilles, les tripes, les... 

-C'est bon on a saisi-

... J'ai certaines compétences, liées à une vie entièrement consacrée à l’éradication de mon prochain au fil de mon épée que l'est trop grosse ! 

Je vais retrouver ma femme.

Ça va envoyer du bouzin !

-Le Ça va envoyer du bouzin ! Je suis pas trop sûr là ?-

..."

23 août 1572. De retour d’Afrique du Nord, Mattias Tannhauser, chevalier de Malte, arrive à Paris. Il doit y retrouver sa femme, Carla, qui, enceinte, est venue assister au mariage de la sœur du roi avec Henri de Navarre. 

À son arrivée, Mattias trouve un Paris en proie au fanatisme, à la violence et à la paranoïa. Il se retrouve bientôt au cœur des intrigues de la Cour et comprend très vite que le sang va couler à flots.

Dans une capitale déchaînée, où toutes les haines se cristallisent, Carla est impliquée au même moment dans une terrible conspiration. Plongé dans un océan d’intrigues et de violences, Mattias n’aura que quelques heures pour tenter de la sauver d’un funeste destin.

LES DOUZE ENFANTS DE PARIS est la suite d'un très bon roman LA RELIGION (chroniqué ici). Déjà LA RELIGION ne lésinait pas sur le combat, sur la tranchaille, on n'était pas chez mamie calinou ! 

Mais là où LA RELIGION ménageait des poses poétiques et des réflexions contextuelles historiques bienvenues, LES DOUZE ENFANTS enchaîne les combats rapprochés. 

Ça partait bien pourtant. Mattias qui, bon gros macho, a laissé sa femme enceinte jusqu'au sourcils, pour vaquer à ses affaires de mâle dominant revient à Paris. Elle n'est pas là où elle doit être. 

On est à la veille de la Saint Barthélémy, où la cour de France, prise d'une frénésie meurtrière totalement inaccessible à une quelconque froide rationalisation va laisser se déchaîner les forces fanatiques du catholicisme parisien et laisser les milices massacrer la population protestante de la Capitale.

L'arrivée de Tannhauser à Paris, sa rencontre avec le cardinal de Retz, éminence grise du Louvre royal, les intrigues et les manœuvres en soie malodorante promettaient un équilibre gracieux entre l'action sanglante et l'Histoire broyant les individus.

Loupé.

N'attendez pas à une conceptualisation des rapports de force par Tim Willocks l'auteur, une présentation historique, un rappel de l'époque. 

Si vous souhaitez une vision hallucinée et plus profonde de la Saint Barthélémy, choisissez plutôt :


Mais chez Willocks, on est pas là pour se tarlouzer le biniou sur des livres d'histoire. On est là pour assister à la trajectoire sanglante et implacable de Tannhauser vers sa femme.

Il écartera tous ceux qui sont sur son chemin comme des fétus de paille et de chair. 

C'est une succession de scène de combat. On a l'impression d'assister à une parodie de film d'action des années 80. Tannhauser s'en sort sans une égratignure sur son torse maculé de sang et de tripes (sic). Il a un carquois magique, toujours empli de flèches.

Tannhauser est le guerrier ultime ! Certes il est intelligent, stratège et comprends bien qu'une réputation de tueur sans pitié fait un combat à moitié gagné. C'est pour cela, par exemple, qu'il décapite (il décapite beaucoup) un ménestrel totalement inoffensif dans une taverne. Pour que tout le monde comprenne bien qu'il n'est pas un pédalo. Et que tout le monde soit bien sur ses gardes.

Pouf pouf. 

Comment montrer que l'on a un bon style et que l'on maîtrise son vocabulaire et syntaxe ?

En décrivant des scènes de combat à l'épée. D'éventration. Éviscération. Amputation. Nananaation...

"Quand il l'atteignit, un homme apparut, dérangé par les coups en bas. Son visage ne montrait aucun signe d'alarme, jusqu'à ce que Tannhauser lui enfonce sa dague dans le ventre, l'ouvrant jusqu'au sternum. L'homme émit un soupir sifflant qui semblait traduire son apitoiement sur lui-même. Son haleine puait. Il s'accrochait à un mince brin de vie et Tannhauser mit tout son poids dans la lame, et le sternum se coinça dans la garde. Il recula en pivotant. Le mourant tituba avec lui, du sang et de la bile dégoulinant sur le tablier, son poids le faisant basculer vers l'avant avec assez d'élan pour atteindre de le haut des marches. 
Tannhauser se retourna et le poussa dans l'escalier.
La lame laissa échapper l'homme, qui dégringola silencieusement en arrière, ses mains saisissant ses entrailles qui tombaient entre ses jambes, en une sorte de spasme possessif final."

Oui c'est bien écrit. 

Mais même avec un bon gros paquet de talent (ce dont Willoocks n'est point dépourvu), ils n'y a pas mille manières de décrire un bras tranché, une tête étêtée etc... 

Le problème est aussi que ce livre fait 800 pages et non pas 200.

Les aminches, je n'ai rien contre un peu d'action bourrine. Mais songez à un Jason Statham défonçant tout ce qui se présente pendant 3h15 !

Bon je force un poil le trait. Les douze enfants du titre nous donnent de belles scènes, d'émouvants paragraphes. La vision de Cocagne, cour des miracles de Paris, quartier des réprouvés, des brigands et des déviants est saisissante et remarquable de justesse. 

Mais tout cela est vite englouti par un bon pitit duel ou un massacre.

J'ai tenu cela dit. 

Par la magie incantatoire et hypnotique du style. Pour comprendre aussi pourquoi Tannhauser est la cible de cette conspiration. 

Et là ..! 

Mais je n'en dirai rien. 

Je vais conclure là mon propos les filles. Autant LA RELIGION m'avait empoigné et plu au delà des hauts le cœur. Autant le trop plein des scènes de combats de merde et de sang des DOUZE ENFANTS DE PARIS m'a semblé frôlé dangereusement le ridicule, le vain et, à vrai dire, la fascination du vigilante armé et self justicier Bronsonnien des années 70-80. La griserie de l'abandon de la raison pour laisser notre cerveau reptilien aux manettes : 

"Un énorme flot de sang jaillit sur ses bottes et il senti un élancement de nausée. Il ravala cette maigre preuve d'un reste d'humanité chez lui."

Ça, il l'a bien ravalé. Pour sûr.

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