mercredi 31 août 2016


"Passe moi la clé de 12 !
- Heu..?
- Quoi ?
- Ben la dernière fois, t'as refait la tronche d'un mec passqu'il t'avait dit que les Marcel moulants ce n'était plus de ton âge.
- L'avait bien cherché !
- Oui... Enfin... Maintenant le mec l'a le front en U. Tient la clé...
- Merci.
- Mais qu'est ce que tu fous exactement? 
- J'enlève le moteur pour le mettre sur un Sherman.
- Un Sherman ?! Le...
- Tank ouais, comme ça plus d'emmerdes sur le route, plus la peine de regarder dans le rétro pour doubler, avec ça je s'rai le roi de l'asf, heu le roi de l'aphas... Du goudron !
- Ah... Quand même..."

***

Bien le bonjour les aminches après ce long break estival.

Vous l'avez ? A y est ? Le tank Sherman sous nitro dévorant l'asphalte... Pulvérisant les péages, atomisant les voiturettes, explosant le moindre obstacle.

Et bien cette course folle s'avère bien plus subtile que celle qui débute, qui va nous amener virilement en 2017 et un nouveau Présidoudou de la République. 

Voici venir le temps des coups de taupes, du poignard dans les omoplates, où les paroles mesurées et les propos sensés seront aussi rares qu'un bon film tiré de DC Comics...

Le parfait contexte pour vous conter : 



Un favori à l'élection présidentielle, le président d'un groupe militaro-industriel, un directeur du renseignement intérieur, un syndicaliste disparu après le meurtre de sa famille, une photographe chinoise en vogue...

Qu'est-ce qui peut les relier? 

Lorraine, agent des services secrets, est chargée de faire le lien. De Paris, en passant par la Bretagne et l'Irlande, pourra-t-elle y parvenir? 

Rien n'est moins certain. 



Bienvenues les filles, dans cette maison de cartes, le House Of Cards hexagonal.

Même décrépitude, même cynisme, même désillusion. 

D'un côté, le favori à l'élection, Launey, politicien à l'ancienne, genre Labrador noir, large chapeau et longue promenade. Le genre à prendre un temps de réflexion avant de répondre. De l'autre Lubiak, la syllabe qui claque, talonnettes et épaulettes, qui veut se faire du fric avant tout, la nouvelle génération. 

La lutte entre les deux hommes sera totale et mortelle.

L'EMPRISE est le premier tome d'une trilogie d'un excellent écrivain Marc Dugain...


... Dont j'ai lu les livres avec grand plaisir de son fameux et très beau LA CHAMBRE DES OFFICIERS, en passant par son parfaitement documenté et haletant LA MALÉDICTION D'EDGAR en passant par son phénoménal UNE EXÉCUTION ORDINAIRE. 

Mais depuis ce dernier, je trouve ses livres légèrement plus poussifs, moins aboutis et cette trilogie ne déroge pas à cette pente glissante. 

D'abord comme on est en France, on littérature les enfants. L'EMPRISE et ses suivants QUINQUENNAT et ULTIME PARTIE sont très bien écrits, un style qui frise l’emphatique et qui nous éloigne des personnages, aussi froids et vivants qu'un Cavalier en ivoire blanc d'un échiquier hors de prix.

"De tout temps, les lieux investis par le pouvoir ont été conçus pour être imposants et parfois même péremptoires. L'individu doit avoir le sentiment de s'y dissoudre."

Ouaip. Comme la chair des protagonistes dans les paragraphes ampoulés. Ne vous attendez pas à un thriller juridico-politico-policier les aminches mais à un étrange mélange de réflexions souvent sagaces sur l'état calamiteux de nos institutions et du monde tel qu'il va....

"La mondialisation était selon lui peu ou prou la continuation du modèle colonial. Les nations développées continuaient à se procurer des matières premières et de la main d'oeuvre à bas prix. Le consommateur final y trouvait son compte même s'il rechignait à l'avouer. Les biens de consommation étaient à moitié prix de leur vraie valeur; celle qui résultait d'un salaire juste.
Chaque chose ayant son revers, ce qu'on gagnait au niveau des prix, on le perdait au niveau de l'emploi, et la cohorte des chômeurs était grossie par une immigration à laquelle on parvenait difficilement à offrir une qualification."

... Et une intrigue un peu mollassonne sur les dessous de tables bien dégueu des cuisines Élyséennes.

Un tableau sans concession, peut-être même un brin facile et bien dans l'air du temps du flingage en règle de la chose publique, enfin surtout ceux qui y officient. Mais il est un poil paradoxal de souligner l'impuissance du politique...

"La perspective d'être nommée ministre ne la flattait pas vraiment. Elle connaissait le niveau d'impuissance de la fonction."

Et dénigrer l'action de nos gouvernants, qui n'ont de fait aucunes marges de manœuvre, selon Marco.

S'affrontent ici, finalement, deux visions entre un affairiste énervé, vendu, sans surmoi, avec les scrupules d'un sèche main défoncé d'une station d'autoroute à l'abandon et un homme plus âgé, bien pourri aussi, mais avec de la tenue... Ah ben oui. Il sait se tenir. Les bonnes manières ça pose un monarque républicain pas vrai ? 

Marco choisit son camp et s'il démantèle correctement Lubiak, il fait montre d'une certaine indulgence (toute relative) envers Launay. L'EMPRISE illustre parfaitement ce paradigme des dernières urnes les filles. Depuis quand avez-vous voté POUR quelqu'un. N'avez pas plutôt voté CONTRE un(e) candidat(e) ces dernières années ?

Cependant l'a du métier Marco et il nous emmène vaille que vaille à la conclusion de cette EMPRISE qui ressemble plus à un entre deux, car comme on le sait en nos latitudes, un homme politique mis à poil, confondu par la presse, la justice, toutes ses turpitudes  balancées et incontestables, et bien cet homme n'est jamais fini. 


La France. 

Contrée de l'éternel rebond. 

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