dimanche 21 février 2016


Bonjour les aminches. 
Nous avons tous connu ce moment. Cet instant où devant, mettons, un visage, nous en analysons froidement les parties. Les éléments le constituant, objectivement, ne sont pas terribles. Un nez trop long, trop petit, les yeux trop rapprochés, éloignés, une bouche trop fine, trop épaisse etc. Mais l'ensemble, ah ce visage, dans sa globalité, nous émeut, provoque un ébranlement de nos plaques tectoniques intimes. 



En mal d'inspiration, David Smith, jeune sculpteur torturé se voit proposer un pacte qui lui permettra de réaliser son rêve d'enfance : sculpter ce qu'il souhaite à mains nues. 

Mais rien n'est éternel et tout a un prix. En échange de sa vie, il aura deux cents jours pour créer son Oeuvre. 

Et il va le payer encore plus cher : au lancement du compte à rebours, il rencontre le grand amour...



LE SCULPTEUR ou comment aligner des poncifs et malgré tout livrer un grand roman graphique.

- Le  coup de l'artiste maudit, prêt à tout pour son art. Un David Smith égaré dans la multitude des David Smith de la Grande Ville.L'artiste total, incompris, noyant son amertume dans du degré alcoolisé. Oui on connait. 

- Le deal Faustien, le marché de dupe, longue doit être la cuillère pour manger avec la mort.




- Et bien sûr l'Amooooooooour qui vient compliquer le bouzin et l'artiste de se dire que la vie pour l'Art, finalement... Je me serais pas fait un peu enfler des fois... Et la fille adorable, jolie sans être intimidante, pour ajouter un peu de complexité à son empathie désarmante, un brin de bipolaire ne peut nuire à des amours contrariées...





Et pourtant. Malgré cette valse de clichés empilés, LE SCULPTEUR nous empoigne et nous bouleverse. 

Malgré un trait sage, un coup de crayon banal et sans aspérité...



... Nous tournons avidement les pages de ce gros pavés pour découvrir une fin connue et qui arrive quand même à nous surprendre.

Scott McCloud, critique et théoricien de la BD, passe de l'autre côté du tiroir et crayonne une BD tout à la fois banale et profonde. 

Scott emprunte des chemins détournés dans les mythes balisés qui jalonnent son oeuvre. Ainsi, ce n'est pas le diable qui propose indécemment un marché léonin mais la mort. David n'est pas promis à l'enfer mais au néant (planches ingénieuses pour montrer le Néant). David ne vend pas son âme mais du temps.

Je sais bien que cela ne semble pas franchement sexy ce SCULPTEUR. Cela sonne un poil BD d'Auteur chiantintello, mis en exergue par les journaux culturels de référence.

Il y a un peu de ça. C'est vrai. Mais il serait dommage de ne pas dépasser ce préjugé et de ne pas plonger dans ces pages. 

J'vous l'dis les aminches, il ne sert à rien de tenter de se défaire de la malédiction d'un patronyme banal...



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