mardi 27 octobre 2015



Salutations les aminches.

Tout d'abord, rangez vos fourches, machettes, coupes fils et autres perceuses. Je ne songe pas, en ce post, à rallumer les cendres encore chaudes de la guerre civile entre les tenants du caractère inné du petit garçon bleu azur conducteur de chantier et de la petite fille rose bonbon à couette ménagère accomplie et les convaincus d'un conditionnement programmatique depuis la plus tendre enfance du garçonnet aventurier et de la fillette préparant le repas du guerrier.

Non, je vous parle là de la littérature de genre. A bien y réfléchir, toute littérature est de genre. Mais la Littérature transcende les typologies. 

Ainsi le nouveau Gallimard, imprimé en plein air, de l'encre de champion, édité pour les prix littéraires de cet hiver.


2084 est un livre de SF. Renvoyant évidemment au 1984 orwellien, 2084 imagine un un pays l'Abistan, mué en une théocratie religieuse dans sa forme la plus pure, la plus aboutie. Tout questionnement, remise en question, pensées personnelles, sont abolies dans une existence réglée du matin au lendemain matin et du début à la fin. 

2084 est loin d'avoir l'ampleur de 1984 et se mure dans un style psychologi(chiant)sant qui nie l'action. Ce livre m'est tombé des mains mais illustre parfaitement ce paradigme. 2084 n'est pas vendu comme un livre de SF, ou d'anticipation, ce qu'il est indéniablement mais est classé dans la série Blanche, la convenable, ayant pavé sur rue ! Contrairement à la Série Noire. 

Mais moult polars sont bien plus que des thrillers basiques , nombreux utilisent une intrigue policière comme prétexte

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Nuit après nuit, dans une prison du Montana, le jeune Val Millimaki s’assied face aux barreaux qui le séparent de John Gload, 77 ans, en attente de son procès. Astreint aux pires heures de garde, l’adjoint du shérif se retrouve à écouter le criminel qui, d’instinct, est prêt à lui révéler en partie son passé. 

Petit à petit, Millimaki se surprend à parler, lui aussi, et à chercher conseil auprès de l’assassin. En dépit des codes du devoir et de la morale, une troublante amitié commence à se tisser entre les deux hommes.

Dans un subtil jeu d’échos, entre non-dits, manipulations et sombres confessions, le jeune shérif cherche des réponses à ses propres tourments et, chaque matin, il tente vainement de reprendre pied dans la réalité. Mais sa vie, comme son mariage, lui échappe chaque jour un peu plus.

Le premier (!) opus de Kim Zupan s'apparente à un coup de maître. Nous sommes là dans une tendance lourde du roman américain : un rapport à la nature direct et sensuel. On entend les grillons striduler, on hume l'odeur entêtante de l'herbe fraîchement coupée, on sent le sable crisser sous nos pas. A la manière d'un Jim Harrison (et oui quand même), Kim Zupan décline toute la palette de l'homme face à la sauvage infinitude mais ne s’égare pas dans des descriptions sans fin du moindre bosquet touffu ou sentier serpentant.

Kim ne perd jamais de vue ses personnages, principalement son duo singulier : le vieux tueur en série, bourru, taiseux et étrangement sympathique (et dangereux pour cette même raison) et son jeune adjoint insomniaque, qui perd pied mais qui ne manque pas de maintenir une distance courtoise et respectueuse envers le vieux Sam distance qui tend à se raccourcir sans jamais totalement disparaître. John n'oublie pas qu'il fait fait face à un tueur, un vrai, de profession. 

Les échanges qui se nouent entre ces deux là constituent la trame de ce beau roman. Le sexagénaire assassin déroule, dans le secret des nuits de garde de John, son parcours sanglant et sa philosophie particulière. John revient ensuite à une vie diurne où le sommeil, sa femme, le fuient et le laissent face à ses démons. 

Un beau livre, simple et profond qui nous conte une histoire narrée par un artisan des mots, tel un charpentier faisant glisser inlassablement son rabot pour obtenir la patine idéale. 

Si LES ARPENTEURS est un premier roman d'un écrivain prometteur, le suivant est l'oeuvre aboutie d'un auteur confirmé.

Accusé d'avoir éventré le shérif Call, Hillary Van Wetter attend la mort dans une prison de Floride. 

Éperdument éprise du condamné, Charlotte clame son innocence auprès du Miami Times qui dépêche deux journalistes sur place...

Là encore, l'intrigue policière, famélique, est un paravent. PAPERBOY, excellent, nous entraîne ailleurs que les rives circonscrites du polar balisé.

En adoptant le point de vue du jeune frère d'un des deux journaliste, Pete Dexter, adopte le juste ton, le recul nécessaire pour un livre brassant un grand nombre de thématique : l'amour filial et fraternel, le désir sexuel, le racisme, l'homophobie etc. 

Tout cela se mêle dans des pages serrées, moites au style sans afféteries parasitaires de l'ancien journaliste d'investigation qu'est Pete Dexter.


PAPERBOY met en scène un duo d'enquêteurs plus inédits que les sempiternels flics ou agents spéciaux costumes sombres des Men In Black FBIsés. : des reporters. Ancien journaliste, Pete connait bien ce milieu et cela se sent. Ce journalisme là, plus sensationnaliste que rigoureux, n'en sort pas grandi. 

Le Sud des années 1960, sa moiteur ; ses gens du cru, la cervelle bouffée par l'alcool de contrebande, les chicots ayant remplacés le sourire Colgate, sont rendus de façon saisissante dans un phrasé sec qui s'autorise parfois des envolées inattendus, des détours poétiques. PAPERBOY réservent même quelques scènes d'anthologie : une quasi noyade au milieu d'un ban de méduses, un passage à tabac clinique et effrayant... 

Une fois ma lecture achevée, j'ai appris qu'un film avec Nicole Kidman, Matthew McConaughey et Zac Effron (?) avait été tiré de ce génial PAPERBOY : 



Si ce film n'est qu'à moitié aussi génial que son inspiration de papier, les pop-corn  seront rentabilisés plusieurs fois.

Un grand polar. Oui.

Un grand livre, tout simplement.

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