mardi 6 octobre 2015


Bonjour les aminches. 

A quoi voit-on que l'on vieillit ?

Dès lors que nos références se dissipent et n'évoquent guère plus qu'un léger bruit de fond à la jeune génération, qu'une photo sépia dans un manuel scolaire alors que nous on l'a vécu 'tin de dieu ! 

C'est que la fin se rapproche les filles, inexorablement.

«Prince de l’ambiguïté», personnalité ondoyante, maître de l’équivoque, François Mitterrand a souvent déconcerté ses contemporains : vichyste et résistant, homme de droite devenu chef de la gauche, anticommuniste allié aux communistes, dénonciateur de la Ve République dont il finit par incarner comme personne les formes et les usages les plus discutables. 

Cet homme aussi féru de littérature et d’histoire que de politique, sut cultiver le secret, dérouter ses partisans et se montrer un jouteur de première force, combatif mais patient, stratège jamais découragé par l’échec.


J'ai grandi avec Mitterrand, pour le pire et le meilleur. 

En lisant le livre de Winock consacré à la vie hautement romanesque du premier président socialiste (doit-on claquer plusieurs ???? à chaque fois que cet adjectif sera associé à Mitterrand ?), je me suis rendu compte que plein d'épisodes de la vie politique et intime de Mitterrand me restaient gravés dans le cervelet.

Sacré personnage, à prendre avec de sacrées pincettes, longues et ignifugées si possible.  

La courte biographie de Winock adopte un ton mesuré et prudent pour appréhender la bête. Plutôt indulgent pour le jeune homme de droite du début, Vichyste convaincu et résistant réel et courageux, puis ministre inamovible de la IVème république, assumant tous les postes et les dérives : la torture en Algérie, les condamnations à la mort Guillotine etc. 

Le ton se fera plus accusateur pour sa fin de règne sombre, pathétique, cerné par la mort, la sienne et celles de ses proches... Le temps des magouilles, des affaires, des scandales d'états.

Mitterrand a eu une vie bien remplie, voilà l'une des rares vérités que l'on peut sans crainte affirmer sans risquer un retour de flamme ravageur tant Mitterrand provoque rancœurs, soupçons et défense acharnée aussi. 

les 350 pages du livre de Winock peinent à en restituer l'ampleur et l'on survole plusieurs épisodes : l'attentat du jardin de l'Observatoire, simulé ou piège tendu à un concurrent redoutable, les écoutes, les Irlandais de Vincennes... sont succinctement relatés.

Winoch est plus convaincant dans le portrait psychologique d'un Mitterrand roué et narquois, contempteur forcené de la Vème république et qui se lovera voluptueusement dans son protocole, son apparat et ses ors. 

Où l'on voit que le Président de la République française dispose d'un pouvoir quasi absolu dont Mitterrand (ab)usera jusqu'à plus soif. Pouvoir absolu qui maintiendra à distance la Camarde cancéreuse, Mitterrand déjouant ainsi tous les pronostics et mentant sciemment à un pays tout entier.

Winock trace également en creux un portrait de Michel Rocard, la Némésis du Président, plus naïf, plus fidèle, moins louvoyant, qui n'a jamais eu à négocier un tournant social libéral puisque c'était sa ligne dès le départ. Ah ce fameux sens des réalités, cette nécessaire adaptation au réel, cache sexe du reniement des promesses de campagnes ou vrai déchirement intime ? 

Winock ne prend pas parti mais laisse deviner quand même que la place étant prise à droite par le Général, Mitterrand a pris la porte à gauche pour conquérir le pouvoir et avec quelle maestria ! Mais Winock laisse le bénéfice du doute à Mitterrand en une conversion sincère au socialisme. Winock montre que François Mitterrand n'était pas qu'un monstre froid, qu'il pouvait faire montre d'empathie, de compassion et d'une séduction incomparable. 

IL ne nie pas ses réussites : l’abolition de la peine de mort, la construction européenne (ahem de cette Europe là, on peut en débattre), les lois Auroux sur le travail, les débuts de la décentralisation. Il ne cache rien non plus des petites manœuvres crapoteuses, du goût du faste jusqu'au grotesque, de l'amitié indéfectible, incompréhensible et condamnable envers Bousquet, l'organisateur des rafles du Vel' d'Hiv...

Michel Winock n'est pas un thuriféraire idolâtre, non plus qu'un un adversaire compulsif. Aucune nostalgie mais une écriture passionnante et un récit scrupuleusement rivé aux faits.

Mais finalement Mitterrand, grand homme d'état ?

"Dans ses Mémoires, Jean François Revel avance cette proposition : "si j'avais à définir l'homme d’État, je dirai que c'est celui qui parvient à garder la main en main les deux bouts de la corde : le bout utilitaire et le bout théorique, le savoir faire et le savoir tout court, la technique du pouvoir et le but du pouvoir qui soit autre que la vulgaire jouissance de le posséder." Chacun appréciera si François Mitterrand a tenu ces deux "bouts de corde". Il est permis de rester dubitatif."
page 347
Pour le moins...


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