samedi 3 janvier 2015


"Et bien mon Zézé, tu m'as l'air chiffon...
- A quoi bon !!! A quoi bon alerter mes contemporains sur le danger d'une société féminine castratrice qui dévirilise les mââââles, les testicules aux genoux, les couilles en berne, la verge...
- C'est bon j'ai compris, mais houlà ! Grosse haleine ce matin ! Sinon j'ai ce qu'il te faut. Voilà un bouquin qui pourrait te plaire, une vraie parabole programmatique pour tes lendemains qui suintent."

Bien le bonjour les aminches, tous mes bon voeux (voilà c'est fait). En cette nouvelle année, commençons donc par un livre qui respire la joie...

Dans un futur sombre, peut-être proche (dangereusement proche oui !), un régime totalitaire s'est installé, un régime où les femmes sont considérées comme "en voie de disparition". 

Elles sont divisées en trois classes : Les Epouses, seules femmes ayant du pouvoir, elles dominent la Maison, les Marthas qui entretiennent la maison et enfin les Servantes écarlates dont le rôle est la reproduction. 

L'héroïne du roman, rebaptisée Defred, est une Servante écarlate. Elle ne peut pas séduire, son rôle est la reproduction. 

Elle raconte peu à peu son histoire, se remémore ses moments avec sa famille, Luke, sa fille, Moira, sa mère... Son unique raison de vivre, ce à quoi elle se raccroche pour ne pas sombrer, ce sont ses souvenirs.

Voyez vous les filles, jusqu'à présent je pensais que la hargne ne constituait pas un bon vecteur pour écrire un bon roman.

Je me trompais. LA SERVANTE ÉCARLATE est un immense bouquin, un 'tin de chef d'oeuvre qui te prend aux tripes et te met une grande claque bien comme il faut là où il faut.

LA SERVANTE ÉCARLATE est tout d'abord un roman féministe, une ode à la liberté, celle fondamentale des femmes à disposer de leur corps comme bon leur semble. LA SERVANTE ÉCARLATE est un livre militant bien sûr mais ce n'est pas un manifeste bourrin appelant à émasculer tout ce qui dépasse. Les hommes perdent beaucoup dans cette histoire. La description de la mère de l'héroïne, militante MLF acharnée à faire passer les Femens pour d'aimables chanteuses de variété, est glaçante. 

Bon reprenons depuis le début, en un temps indéterminé, les USA ont sombré dans la guerre civile, une guerre de religion. Dans ce monde pollué et apocalyptique, les hommes ont conquis le pouvoir et relégué les femmes aux taches ménagères et à la reproduction. 

Heu... Attends... Comme maintenant quoi. Nan les aminches passque là on parle de ce machisme ambiant à la puissance wawawamille au carré  ! Le sexisme comme méthode de gouvernement, l'Iran, le Pakistan, l'Afghanistan, tous les truc en AN possibles et imaginables. 

Une fois par mois, Defred est auscultée par un gynécologue avant de participer à la cérémonie. Le soir-même, après une lecture de la bible, elle se rend dans la chambre de Serena Joy, la femme du commandant. Là, elle s’agenouille sur le lit à baldaquin, pose sa tête contre l’entrejambe de la maîtresse de maison et attend la saillie. 


Celle-ci lui est prodiguée mécaniquement par le commandant qui vient baiser en levrette la partie inférieure de son corps, sans mot, sans le moindre baiser, sans le moindre sentiment autre que le dégoût, réduisant son corps à une simple machine-outil, niant presque l’existence de son âme.


Après la cérémonie, Defred doit garder la semence en elle au moins dix minutes, histoire de mettre toutes les chances du côté de sa matrice, car tel est son rôle véritable dans la maison du Commandant : elle est une matrice, et la chair et l’esprit qui gravite autour de son utérus ne comptent guère. 

« Un homme stérile, ça n'existe plus, du moins officiellement. Il y a seulement des femmes qui sont fertiles et des femmes improductives, c'est la loi. » (p. 69) 

Defred doit tomber enceinte et enfanter, enfanter dans un monde où la plupart des femmes (Serena Joy en tête de liste) n’y arrivent plus. 

C’est sa seule fonction et ce devrait être sa seule raison d’être, mais avant d’être servante, Defred avait un autre nom, un homme - Luke - et une petite-fille ; elle avait une vie, dangereuse et parfois palpitante... Avant d’être servante, Defred était une mère, avait des désirs et connaissait le plaisir de l’orgasme. Alors forcément elle vit avec ses souvenirs et l’espoir d’aimer une dernière fois avant de mourir.


Margaret Atwood n'est pas naïve. 

Salut Mamie Maggie
Elle sait bien que certaines contrées en sont quasiment là. Mais plus que l'oppression, LA SERVANTE insiste sur la perte de sa liberté. 

Ce livre est magistral. 

L'écriture est inventive, par petites touches. Ainsi par exemple, quand Margaret décrit la tenue des servantes écarlates, la tête enserrée dans une coiffe de nonne, la cornette, qui fait comme un tube prolongeant le champs de vision, empêchant tout regard périphérique. Margaret fait vivre cet enfermement permanent : Defred voit "le monde par hoquet".

Le style froid mais paradoxalement empathique nous unit à Defred. Nous souffrons avec elle. Nous rêvons avec elle. Nous savourons chaque victoire dérisoire qu'elle remporte. 

Margaret Atwood nous relate un monde sans amour, où tout sentiment est proscrit ainsi que ses corollaires  le désir, la séduction... Bref tout ce qui vaut la peine d'être vécu : 

« Notre fonction est la reproduction : nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire : tout a été fait pour nous éliminer de ces catégories. Rien en nous ne doit séduire, aucune latitude n’est autorisée pour que fleurissent des désirs secrets, nulle faveur particulière ne doit être extorquée par des cajoleries, ni de part ni d’autre ; l’amour ne doit trouver aucune prise. Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c’est tout : vases sacrés, calices ambulants. » 
page 152.

Ce n'est pas nouveau bien sûr, de 1984 au MEILLEUR DES MONDES, nous ne manquons pas de dystopies bien poilantes, LA SERVANTE ÉCARLATE se mesure à l'aune de ces glorieux prédécesseurs. 

Enfin le dénouement les aminches ! Les ultimes pages sont saisissantes. 

Je vous le dis LA SERVANTE ÉCARLATE laisse rêveur et me fait penser que tous ces libres penseurs, braillant qu'on les laisse polémiquer ce qu'ils polémiquent à longueur de journées et de médias, écrire ce qu'ils écrivent à longueur de pavés indécents, qu'on les laisse vivre comme ils l'entendent en somme. 

Et bien qu'ils nous retournent la politesse. Et nous laissent vivre comme nous on l'entend.

Qu'ils arrêtent donc de nous faire chier...

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