mardi 28 novembre 2017


"Il y avait une partie de moi qui pensait que tout ceci était absurde, mais ça n’était qu’une petite minorité. Dans l’ensemble, j’étais convaincu que cela marchait. Ça me donnait un pouvoir sur ce que je possédais et ce qui m’entourait. Ça me rassurait."

***

Bien le bonjour les aminches. 

Iain M Banks est mort et je ne m'en remets pas.

J'ai bouclé, il y a peu, le dernier bouquin du cycle de la Culture

J'étais pourtant loin de penser à ce bon Iain en furetant dans une bouquinerie sous l’œil vigilant du cerbère à sa caisse, reluquant de façon insistante ma besace (ce n'est pas un sac à main !) au cas où je veuille lui subtiliser un vieux Cartland corné ou un antique numéro délavé de Rustica.

Quand...

Bingal, le Grao !


Je m'appelle Frank Cauldharne, et j'ai seize ans. Je vis seul avec mon père sur une petite île près du village de Porteneil en Ecosse.


Certains disent que je ne suis pas normal. Ce n'est sans doute pas faux, mais qui suis-je ? Est-ce ma faute si, à la naissance de mon frère Paul, le vieux Saul, le chien de la famille, m'a affreusement mutilé ? 

Au village, tout le monde me croit fou, à l'exception de Jamie le nain, mon seul ami. C'est bien possible, mais en tout état de cause, je le suis moins que mon grand frère Eric, surnommé ici « le brûleur de chien » et qui vient, paraît-il de s'évader de son asile. 

Enfin, il faut voir les choses en face : n'y a-t-il pas de par le monde beaucoup de gens infiniment plus fous que moi..?

Comment te dire Frank..? Sans doute, mais pas tant que cela.

Le premier livre de Banks était épuisé. D'une réputation flatteuse, il était annoncé régulièrement prochainement réédité. En vain.

Et puis là, dans un bac en plastique, à un prix dérisoire...

LE SEIGNEUR DES GUÊPES ne ressemble à rien de bien défini.

LE SEIGNEUR DES GUÊPES est une œuvre tout à fait unique en son genre, à la fois horrifiante et fascinante. Horrifiante, parce qu'elle nous fait entrer dans la peau d'un être dont les visions du monde n'ont rien à voir avec les nôtres, dont les valeurs — la vie, la mort — sont étrangères à notre société. Fascinante, parce que l'humour macabre qui s'en dégage ne ressemble à rien de connu.

Vous ne vous êtes jamais demandé ce qui serait advenu de Huckleberry Finn s'il avait viré psychopathe ? Non ? Je l'aurais parié. Banks l'a fait lui.

Il nous fait donc pénétrer dans le cerveau tordu et macabre de Frank Cauldharne, grand ado perturbé et mutilé d'une petite île d'Ecosse dont il a fait son royaume. Persuadé de posséder des pouvoirs psychiques et de divinations, Frank s'est créé un univers branque de totems d'animaux morts, de bombes artisanales, de barrages érigés pour le seul plaisir de les détruire, et de son foutu Sanctuaire aux guêpes.

« Le Sanctuaire aux Guêpes est beau et d’une perfection redoutable. Il allait me dire ce qui se passerait. Comme ça, je saurai que faire, et je pourrai peut-être même, après l’avoir consulté, essayer de rentrer en contact avec Eric, par l’intermédiaire du crâne de Saül. Même si nous ne sommes que demi-frères, nous avons quand même un lien de sang […] Enfin, il y a un dernier facteur qui nous rapproche, auquel je n’ai pensé que récemment : on est, l’un comme l’autre, des meurtriers.
En fait, c’est pour ça que sont faits les hommes. Chaque sexe a sa spécialité : les femmes donnent la vie, les hommes la reprennent. »

Frank hait les femmes, et l'on saura pourquoi au long de ce récit sinueux et malsain. 

LE SEIGNEUR DES GUÊPES à sa parution fut accompagné d'un fumet de scandale. C'est que la lecture est un brin dérangeante, Banks y adopte le point de vue d'un meurtrier, d'un sociopathe, sans que l'on puisse tout à fait s'en détourner totalement, le rejeter hors de la compagnie des hommes. 

S'appuyant sur une plume féroce et jubilatoire (à laquelle la traduction française ne rend pas tout à fait justice semble-t-il), Iain lâche une fois encore la bride à son imagination débridée. Les assassinats perpétrés par Frank sont des modèles de machinations perchées et de détournements de soupçons. 

Avec un humour à froid, machette ! C'est quelque chose. L'éducation singulière reçue par Frank via son père, définition parfaite de trouble obsessionnel compulsif nous réserve quelques beaux moments

« Quand j’étais plus jeune, il avait coutume de répondre à mes questions naïves par d’énormes balivernes. C’est ainsi que, pendant des années, j’ai été convaincu que Pathos était un des trois mousquetaires, que Fellation était un personnage de Hamlet, Vitreux, une ville française, ou encore que les paysans irlandais devaient fouler la tourbe pour obtenir la Guinness. »

Un livre puissant, étrange, sur la folie.

Ivre d'une puissance hypothétique, Frank chemine vers une révélation que l'on pressent redoutable et qui s’avérera inattendue et cruellement ironique. 

Iain Banks est mort et j'ai du mal à m'y faire.

C'est peut-être que...

Un fan et scientifique du Massachusetts, Jose Luis Galache, du Minor Planets Centre, a obtenu de l'International Astronomical Union que l'astéroïde 5099 soit rebaptisé. En hommage au défunt amateur de whisky et utopiste pan-galactique, Iain Banks. 

 'Tin ! Il n'est pas mort, il orbite.

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